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“Grand cour” reflet des mutations & des transformations d’un quartier

Notre première entrée dans l’étude de la Medina s’est faite par le « pinth », espace d’assemblé de la collectivité Lébou. Ces derniers ne constituent pas vraiment une ethnie mais plutôt un rassemblement de personnes ayant apporté chacun sa culture à l’édification d’un groupe, réuni autour d’une identité politique et culturelle. Aujourd’hui le « pinth » en tant qu’espace de discussion et de prise de décisions par la collectivité, à l’échelle du quartier est toujours présent.

Nous nous sommes focalisés, pour la conception du projet « Grand Cour » sur l’analyse de la rue 17, angle 22 dans la Medina, où se trouve le « pinth » de Santhiaba,  En face de Santhiaba,   se trouve  la maison du sage  lébou dans un îlot traditionnel. Cet îlot est caractérisé par sa porosité et sa perméabilité. Les maisons sont toujours séparées les unes des autres par un espace de passage. De cette manière, l’îlot peut être traversé. Ce  jeu de porosité a pour conséquence la création de différentes espaces   qui seront  de l’ordre de l’intime, du privé ou à l’opposé du public. On parle alors, de degrés d’intimité.

Espace de frottement, de partage et de protection d’une identité culturelle

Le projet « Grand Cour » a été imaginé dans le quartier de la Medina, à Dakar au Sénégal. Une étude sensible de terrain a été effectuée par l’intermédiaire des croquis qui se voulaient être révélateurs des modes d’habiter, de l’architecture, des metamorphoses du quartier et de l’identité culturelle et spatiale d’une population dans un contexte territorial particulier. La proposition du projet est fortement liée à une analyse spatiale mais aussi socio-culturel du quartier de la Medina. La compréhension de l’histoire a été fondamentale pour dévoiler les dynamiques spatiales et sociales qui caractérisent le quartier.  L’histoire de la Medina débute à la colonisation.

1912. Une violente épidémie frappe la ville.  Les colons, à la recherche d’une terre non inondable souhaitent récupérer le plateau, lieu de résidence des indigène Ces derniers sont donc en partie relogés dans le quartier de la Medina qui devient alors un des seuls quartiers planifiés de Dakar. En effet, Les colons l’ont lotissé, fourni en eau et en électricité. Il persiste cependant une architecture en bois avec la présence d’extension de maison en fonction des besoins. On peut alors parler de metamorphose du quartier car il est en changement constant. Il évolue, se régénere, se transforme et représente une entité “vivante” qui vit au rythme de ses habitants.

Des nouvelles constructions commencent à apparaitre dans le quartier et se  construisent  à  l’intérieur même  de  l’îlot, rompant  la porosité caractéristique de l’ilot lébou. De plus, face à ces nouvelles constructions, on assiste à un phénomène de stérilisation de la voirie. Les habitants ne s’approprient plus la voierie. Le trottoir n’est pas simplement un espace de circulation à la Medina, c’est un espace de partage, de travail, de frottement mais aussi de conflit.

La rue et le trottoir sont les scénarios d’activités diverses  : sécher  le linge, laver, cuisiner,  manger,  vendre.  Aussi, les vendeurs ambulants jouent un rôle important dans la dynamique des voiries puisqu’il y a un phénomène de temporalité qui intervient. Ces derniers seront donc présents en fonction du moment de la journée, de la sortie de l’école, de la fermeture des commerces où des heures de prière.

Le choix du terrain pour l’emplacement du projet a été fondamental dans la conception d’un système  cohérent  avec ses alentours et avec les pratiques socio-spatiales existantes. Nous avons constaté la présence de seulement deux espaces à la Medina non bâtis aujourd’hui, dont un se situant sur la rue 17-22 à proximité  d’une école élémentaire et de deux mosquées, une pour les hommes et une autre pour les femmes. Notre projet s’implante donc dans cet espace et s’accroche aux éléments existants pour devenir une extension spatiale mais aussi pragmatique de ce qui est déjà existant.

L’analyse fait sur l’îlot traditionnel lébou nous a amené à réfléchir sur les richesses spatiales menées par la porosité et la perméabilité de l’îlot. Nous avons donc voulu reprendre ce concept de porosité pour le reproduire à l’échelle du bâtiment, comme pour sauvegarder dans le temps les traces culturelles et spatiales qui risquent de disparaitre demain. Le parcours de l’îlot lébou se fait à partir des espaces non-construits. Le point de départ de notre projet est donc ces espaces non bâtis, comme un négatif du construit que l’on matérialise à partir d’un système de plateformes, des passages, des ruelles et des cours. De cette manière même si des nouvelles constructions viennent à apparaitre, la porosité de l’îlot sera toujours présente.

Le projet est un parcours qui répond aux usages des habitants qu’on a pu observer à la Medina. Le point de départ du projet est un point d’eau et les activités proposées s’articulent autour de ce dernier. Le parcours s’articule autour de deux activités principales: la cuisine et le linge.

Le système de plateformes permet  d’avoir des espaces  de nettoyage  du linge et des éléments de cuisine. Ces espaces sont à l’abri du soleil par la mise en place de pergolas en bois ancrées à des colonnades en brique. Ce système assure l’ombre et la ventilation dans les heures où le soleil est le plus présent.  De l’autre côté, l’emplacement des murs de 2 m en brique a été rigoureusement étudié pour assurer l’ombre sur l’ensemble des plateformes en donnant aussi un degré d’intimité spécifique à chaque activité comme résultat de l’étude sur les modes d’habiter de l’îlot lebou. La brique est travaillée différemment dans chaque mur, résultat d’une recherche esthétique  mais aussi pragmatique, selon le désir de créer des espaces plus intimes où plus ouverts dans le projet. Les habitants sont engagés dans le processus de conception et de la construction du projet, en apportant leurs savoir-faire et l’utilisation des matériaux locaux comme une forme d’appropriation de l’espace partagé de la « Grand Cour ».

Le concept du projet

La temporalité est un aspect fondamental dans la conception du projet car il détermine la spatialité de l’ensemble. Le projet représente un système qui se découvre, un parcours flexible où les espaces  n’ont pas d’usages fixes mais qui au contraire mutent selon les nécessités et les pratiques des habitants. Ce concept de métamorphose du projet est un aspect fondamental, la metamorphose est lié à la temporalité et à l’usage.

À la Medina nous avons pu constater la présence de nombreux espaces pour manger mais aucun qui pourrait accueillir un grand nombre de personnes lors d’une cérémonie religieuse par exemple. De ce fait, on a voulu intégrer dans notre projet un espace restaurant couvert, mais aussi extérieur. Ces espaces sont évidemment flexibles et changent de fonction. Par exemple, le restaurant et la cuisine peuvent être utilisés aussi comme les espaces de rencontre ou d’étude, de jeu, de vente notamment à la sortie de l’école.

Le projet « Grand Cour » commence par un sol en brique, qui devient aussi un espace de circulation puis se dilate par endroit pour créer des plateformes qui se développent tout le long de la parcelle. Des murs et de la végétation sont placés par moments   pour procurer de l’ombre et de l’intimité et sont le résultat de l’orientation du vent et du soleil. L’irrigation de la végétation est faite par un réseau des goulottes ouvertes qui récupère l’eau de pluie et de lavage et la redistribue dans le projet. Le terrain originairement en sable est gardé là où la plateforme n’est pas présente car certaines pratiques au Sénégal sont liées à ce matériau comme l’élevage du bétail.

La volonté de concevoir un projet qui reste totalement ouvert est une manière d’inviter les habitants à le traverser de la même manière que les îlots lebou, en dévoilant les espaces progressivement et en donnant une intimité aux femmes et hommes qui les parcourent. Conscients des mutations accélérées du quartier, le projet a été pensé de manière à évoluer et se metamorphoser avec les nouveaux besoins de la population et aussi à pouvoir être reproduit ailleurs. Le projet « Grand Cour » est le reflet d’une identité partagée  par ses habitants,  d’un savoir-faire local et de leurs nécessités spatiales et sociales, qui font de ce lieu un espace qui se métamorphose, de partage, de frottement et de protection de la tradition et de la culture de la population de la Medina à Dakar.

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